Madagascar: État des Rizières et Conflits Fonciers
À Madagascar, un conflit foncier d’une ampleur significative émerge dans la plaine rizicole, à proximité de la capitale Antananarivo. Fin juillet 2023, des travaux de remblais ont débuté, soulevant de vives inquiétudes chez les agriculteurs locaux. Ces rizières, exploitées par des familles depuis plus de 50 ans, sont menacées de destruction sans préavis clair. Cette situation connaît des ramifications plus larges tandis que l’État semble favoriser des partenariats immobiliers au détriment des droits des agriculteurs.
Contexte Des Travaux de Remblais
Les travaux de remblais, qui se déroulent à une vitesse alarmante, transforment ces terres nourricières en zones constructibles, mais sans aucune transparence sur la nature du projet. Au cœur de l’opération, un réseau d’entrepreneurs immobiliers semble se former, profitant de l’absence de règlementation ou de communication au public. Aucun panneau n’indique le but des travaux, créant une atmosphère d’incertitude parmi les résidents et les travailleurs. Lorsqu’un ouvrier a été interrogé sur le projet, il a simplement répondu qu’on lui avait dit de « remblayer les rizières », sans explication supplémentaire.
Une Réaction des Agriculteurs
Face à cette menace, environ 1 200 agriculteurs ont constitué une association pour défendre leurs droits. Leur lutte repose sur le décret de 1963, affirmant que les terres cultivées durant plus de cinq ans appartiennent forcément à leurs exploitants. Jean-Baptiste Ranaivoson, représentant de l’association, exprime une frustration croissante. Les terres sont devenues des cibles convoitées depuis la construction de la rocade reliant Antananarivo à l’aéroport, augmentant ainsi leur valeur commerciale.
Les agriculteurs se plaignent que l’État malgache a émis des titres fonciers en faveur d’individus inconnus tout en négligeant de reconnaître les droits d’usage de ceux qui cultivent la terre depuis des générations. Cela a suscité une réaction judiciaire, avec des plaintes déposées auprès des institutions compétentes, y compris des référés auprès du tribunal.
Violence Contre les Contestataires
La lutte pour la préservation des terres a pris une tournure tragique avec des actes de violence ciblant les défenseurs des droits fonciers. Carolia Andrianantoandro, secrétaire générale de l’association, a été agressée, ce qui témoigne de la dangerosité de cette lutte. Sa détermination à défendre les rizières, considérées comme leur héritage vital, est exacerbée par la violence qu’elle a subie.
« J’ai failli mourir. C’était une tentative d’assassinat, » raconte-t-elle. Les actes d’intimidation comme celui-ci ne font qu’ajouter une autre dimension à ce conflit déjà complexe, où la vie des paysans est mise en péril.
Les Promesses du Gouvernement
Contacté par la presse, le gouverneur de la région, Analamanga Hery Rasoamaromaka, a évoqué un projet présidentiel impliquant un partenariat entre investisseurs publics et privés pour la construction de bâtiments administratifs et d’un parc solaire. Toutefois, sa réponse face au litige foncier a été vague et marquée par une promesse d’investigation.
« Des vérifications seront faites auprès des cultivateurs, » a-t-il déclaré, tout en promettant l’installation de panneaux d’information prochainement. Pourtant, les mots du gouverneur ne parviennent pas à apaiser les inquiétudes des agriculteurs qui vivent dans la peur d’une perte de leur unique source de revenus.
L’Impact Économique et Social
Le conflit foncier à Madagascar n’est pas qu’une simple frise historique; il illustre les défis systémiques du pays. Comme le souligne Jean-Baptiste, « le gouvernement affirme vouloir lutter contre la pauvreté, mais les riches semblent avoir tous les droits contre nous, les paysans. »
Le scénario ici est inquiétant : les terres, qui devraient être réservées à l’agriculture, sont transformées en ressources spéculatives. Les conséquences de telles actions sont multiples, impactant non seulement la sécurité alimentaire, mais aussi la stabilité économique et sociale de la région.
La dislocation de ces communautés rurales peut être fatale, car leur survie est intimement liée à ces parcelles de terre. Alors que la concentration de la richesse auprès d’un petit nombre s’intensifie, les droits fondamentaux des agriculteurs sont remis en question.
Solutions et Perspectives
Il est impératif que les voix des agriculteurs soient entendues et respectées dans le processus décisionnel. Leur savoir-faire et leur connaissance de la culture doivent être ancrés dans les politiques agricoles. Une réelle démarche de dialogue entre les autorités, investisseurs et agriculteurs est essentielle pour éviter un désastre social.
Le soutien des organisations non gouvernementales et des acteurs internationaux pourrait également jouer un rôle crucial dans la défense des droits fonciers à Madagascar. La vigilance du public et des journalistes est peut-être l’outil le plus puissant que possèdent les ruraux dans leur lutte pour la justice.
Conclusion
La situation dans ces rizières de Madagascar n’est qu’un reflet des tensions qui existent entre le développement économique et la préservation des droits des agriculteurs. Face à l’accélération des travaux de remblais et aux menaces qui pèsent sur leur existence, il est crucial de trouver un équilibre où le développement ne se fait pas au prix des fondations mêmes de la société, à savoir les droits des paysans sur leurs terres. La lutte pour la préservation de ces rizières est donc une question d’identité, de dignité et de survie.